La trace laissée par un tison dans la nuit, par un bâton dans le sable, par un feutre sur une page blanche ont toujours fasciné. C’est le geste rendu visible dans son ensemble, c’est le geste gardé en mémoire, le temps dessiné.
Ces premières traces sont déjà de l’espace-temps représenté.
Le trait, la maîtrise de la main
Gribouiller ne suffit plus dès que la main fait apparaître des formes plus repérables, organisées. Les ronds, remarqués en premier, attirent les questions : « Qui as-tu dessiné ? » l’idée que le trait peut exprimer quelque chose va germer et s’amplifier.
(dessins de Vianney)
La main devient plus sûre…les traits maîtrisés remplacent les traces spontanées. Le cerveau est passé de la contemplation au plaisir de la trace en train de se faire, à l’anticipation des traits. Ce glissement est capital, il introduit la conscience de la production d’images.
Le dessin de l’enfance
Les traits se sont organisés. Ils ont, en tous les cas, parlé à l’entourage familial de connivence. Mais que se passe-t-il avec « les autres » ?
(...) C’est le début de l’apprentissage difficile du langage de l’image. Tous les débuts des langages sont ainsi confrontés à leur capacité à bien dire les choses, à bien partager. Et je vous assure que dessiner pour être bien compris n’est pas aussi simple que cela en a l’air.
Ces quelques réflexions (en italique) que vous venez de lire sont de Claude Lapointe et ont été retranscrites ici avec son aimable autorisation. Elles sont extraites de l'exposition "C.Lapointe, confidences d'un illustrateur" (cf billet du 1er février)
Il y a quelques semaines, lors d'un passage dans la famille de leur oncle, j'ai eu le plaisir de faire la connaissance de Vianney (3 ans) et de sa grande soeur Hortense (6 ans). Vianney m'avait offert les dessins ci-dessus; ses dessins me semblent bien illustrer la réflexion de Claude; des dessins encore proches du gribouillage même si des formes humaines plus repérables y apparaissent déjà nettement. Des dessins, mélanges de traces spontanées et de traits maîtrisés. Ce qui en fait tout le charme. Bravo Vianney !
Et il y a quelques jours, j'ai reçu une lettre d'Hortense à laquelle était joint un dessin fait par la fillette, dessin qui a longuement retenu mon attention.
(dessin d'Hortense)
Visiblement Hortense restitue de mémoire dans son dessin les choses qui l'ont marquées. Tout d'abord l'histoire que vient de lui raconter sa Mamy, "La belle lisse poire du Prince de Motordu" de PEF. Mais cela ne s'arrète pas là. L'enfant raconte dans son dessin une histoire bien plus complexe en faisant le lien entre l'album et son vécu familial. Sur le dessin apparaissent trois prénoms: Tout d'abord celui de l'artiste, Hortense, (normal, il faut toujours signer son oeuvre, ce que j'ai d'ailleurs tendance à oublier) et celui de deux autres personnes; l'enfant a fait le parallèle entre les deux personnages imaginaires de l'album, le Prince de Motordu (avec son château sur la tête) et la Princesse Dézécolle (admirez sa belle chevelure blonde), et deux personnes bien vivantes, Aurélien et Sarah. Notez la présence de nombreux petits coeurs. Une histoire (presque) sans paroles où l'écriture vient juste complèter le dessin, une histoire qui sousentend un langage bien articulé, les coeurs pouvant être considérés comme les verbes de ces phrases dessinées. Le dessin de cette enfant est partage; Hortense a bien su se faire comprendre, elle a su me dire, elle a su nous dire ce qui l'a marqué, ce qu'elle ressent tout au fond d'elle-même, ce qu'elle aimerait peut-être voir devenir réalité. Merci Hortense. Message reçu 5/5.
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